Un blog de plus ? Un blog pour qui, un blog pour quoi, un blog pourquoi ?

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________________

Cet espace est alimenté bien maladroitement (et peut-être pas assez souvent) par une poignée de personnes souhaitant réfléchir à quelques problèmes sociétaux. Fous que nous sommes, nous désirons soumettre le fruit de cette réflexion à la sagacité des uns et des autres. Le tout dans un esprit d’ouverture et de bonne franquette. Avouons-le dès à présent, nous sommes des Insoumis et à ce titre (nous y reviendrons souvent), nous partageons l’essentiel des idées du programme de l’avenir en commun. Mais à vrai dire il est une seule chose qui anime notre pensée, qui fédère notre action, qui alimente nos réflexions, et elle tient en quatre mots : l’humain d’abord.

Nous n’obligeons personne à partager nos goûts et nos idées, mais nous tenons aussi à ce que ce soit réciproque. Nous souhaitons proposer des solutions, partager des informations, favoriser les échanges, élever le débat, vivre… Il y sera question d’éducation, de poésie de temps à autre, de « canchons » (eh oui, nous sommes nordistes), d’environnement souvent, de littérature parfois, de culture si nous y parvenons, de jardinage peut-être, de mode de vie sans doute… mais surtout de politique. Quoi de plus normal en cette année présidentielle… et au-delà.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________________

samedi 17 juin 2017

SELPHI #04 / Abstention, quand tu nous tiens



Coup de semonce et coup de balai. Les pronostics du candidat de la France Insoumise à l’élection présidentielle se sont révélés exacts, au point que le terme « dégagisme » qu’il avait imaginé pour décrire la situation, est aujourd’hui repris par de nombreux commentateurs politiques et des politiciens eux-mêmes.

Dans le SElPHI#03, j’avais osé appeler à un sursaut, espéré que le peuple souverain se lèverait pour empêcher la vague macroniste de tout envahir sur son passage. Mais il est difficile de lutter contre une vague, et la France Insoumise n’a pas échappé à la règle. Mais c’est

Le premier parti de France (et de loin…)
Tout d’abord, parlons du premier parti de France, celui des abstentionnistes. Ils furent presque vingt-quatre millions et demi, soit 51,3% du corps électoral. Normal, diront certains.

Et bien non, ce n’est pas normal. L’assemblée nationale a un pouvoir central dans la 5è République : celui de voter les lois, le budget de l’état et de la sécurité sociale, mais aussi de déposer des motions de censure (elle est alors un contre-pouvoir possible. Mais c’est aussi et surtout un lieu de débat essentiel, l’endroit où bat le cœur de la démocratie.

Quant aux abstentionnistes, ils n’ont jamais été aussi nombreux depuis que « la 5è » existe. C’est un triste record, et de loin puisqu’on est 8 ou 9 points au-dessus du précédent record de 2012.



Rappelons au passage que l’abstention avait déjà largement progressé entre le premier tour de l’élection présidentielle et le second tour, preuve que le président Macron n’a pas reçu de la part du peuple un signal d’adhésion. Aujourd’hui, à l’issue du premier tour, il a obtenu à peine plus de 15% des suffrages relativement au nombre des inscrits, un triste record là aussi, tant en pourcentage qu’en nombre de voix. Notons au passage que les candidats REM ont obtenu sur l’ensemble du territoire environ 6.400.000 voix, contre 8.660.000  à l’élection présidentielle, soit 2.260.000 voix de moins. Cela confirme que l’adhésion au programme ou à la personne n’existe pas et aussi que l’abstention a frappé fortement le mouvement du président que les autres, mais évidemment pas dans les mêmes proportions. Autrement dit, REM limite la casse alors que pour la première fois dans l’histoire de la 5è république, les électeurs n’ont pas amplifié, en nombre de voix, l’engouement du mouvement qui avait gagné les présidentielles.

Qui s’est abstenu et pourquoi ?
Demandons-nous maintenant qui s’est abstenu. Selon Brice Teinturier, directeur général de l'institut Ipsos, il s’agit des "catégories classiques de l'abstention, prioritairement les jeunes et les ouvriers. Ainsi, 66% des ouvriers et 63% des 18-24 ans ne sont pas allés voter. Ce phénomène assez classique "s'est vérifié de façon amplifiée". À l’inverse, les catégories socioprofessionnelles les plus aisées, qui d’ailleurs ont plutôt voté pour les candidats de « En Marche » se sont beaucoup moins abstenu ; c’est aussi le cas des retraités (sauf ceux qui avaient voté pour François Fillon qui eux, se sont davantage abstenu que la moyenne). En conséquence, l’abstention frappe plus particulièrement la France Insoumise et le Front National dont l’électorat se situe majoritairement chez les ouvriers et employés (https://www.franceinter.fr/politique/premier-tour-des-legislatives-qui-sont-les-abstentionnistes)

 
Si on s’intéresse enfin aux classes d’âge, il est clair que les jeunes se sont davantage abstenu qu’à la présidentielle. Peu de commentateurs ont analysé cet état de fait, le mettant trop facilement sur le compte du désespoir des jeunes ou de la « volatilité » de leur vote. Mais il y a une autre explication. Une partie des jeunes est dans la galère ; ceux-là sont à traiter comme d’importe quelle catégorie sociale dans la même situation, l’âge ne changeant rien à quoi que ce soit dans leur décision d’aller ou de ne pas aller voter. Quant aux autres, ceux qui font des études ou ont fait des études, ils sont souvent éloignés de leur bureau de vote car la plupart du temps, ils se sont éloignés du foyer où ils ont grandi et n’ont que très rarement fait le déplacement jusqu’au bureau de vote auquel ils étaient rattachés. Oui ils se sont déplacés pour les présidentielles, le plus souvent avec l’espoir qui va avec leur âge, mais ensuite, eu vu du résultat et des pronostics diffusés à longueur d’antenne, ils ont préféré rester chez eux. Avouez-le, les gens, il est quand même plus facile de se déplacer quand le bureau de vote est à trois-cent mètres que lorsqu’il est à dix, vingt, ou cinquante kilomètres, voire davantage.


Ajoutons que la confusion s’est ajoutée à ces phénomènes. Dans de nombreuses circonscriptions, les affiches n’ont pas été collées (cela est désormais du ressort des mouvements et non de l’état), du matériel électoral (professions de foi et bulletins de vote) n’ont pas été envoyées ou l’ont été tardivement ou encore de manière incomplète. Enfin, dans la plupart des circonscriptions se présentaient pas moins de dix candidats, parfois beaucoup, ce qui a à l’évidence « effrayé » les citoyens les moins politisés ou les moins « fidélisés », perdus qu’ils étaient dans cette multitude de candidatures qui les empêcha de faire un choix.

Ensuite, et je le dis sans animosité tant je sais l’engagement des militants, le PCF a choisi de faire une campagne indépendante et de présenter en de nombreux endroits des candidats contre la France Insoumise. Le résultat est sous nos yeux. Non seulement le PCF n’est en position de gagner que dans une très petite quantité de circonscriptions, mais il a empêché dans de nombreuses autres la France Insoumise d’être présente au second tour. Le citoyen lambda, au demeurant, s’y est perdu, ne sachant pas parfois qui était qui et qui représentait quel programme. Bref, cette histoire au aussi, selon moi, favorisé l’abstention chez les « nôtres »

Notons enfin qu’un effet sous-estimé de l’abstention est le faible nombre de triangulaires. En effet, pour se maintenir au second tour d’une législative, il faut avoir rassemblé 12,5% des inscrits, soit environ 25% des suffrages exprimés si l’abstention est de l’ordre de 50%, ce qui est quasiment impossible quand un partir ou un mouvement balaye tout sur son passage. Cela qui élimine d’office les candidats arrivés en troisième position et qui sont le plus souvent des nouveaux venus en politique, moins implantés localement et/ou connus nationalement (souvent FN ou LFI), si l’on excepte REM bien entendu puisque le scrutin les a mis largement en tête (la fameuse vague citée plus haut).

Où étiez-vous, les gens ?
Tout cela étant dit, il est manifeste que la France insoumise a été victime de cette abstention massive. À peine plus de 45% des citoyens qui avaient voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle se sont déplacés pour voter et parmi ceux-là, une minorité a quand-même ont voté pour REM au prétexte qu’il faut donner une chance au président.

Il est trop tard désormais. Certes, près de 80 candidats issus de LFI ou soutenus par ce mouvement sont présents au second tour mais cela ne changera rien à la « couleur » de l’assemblée nationale. Alors, je pose la question. Où étiez-vous, les gens ? Auriez-vous raté un épisode ? Avez-vous sous-estimé l’importance du scrutin ou trop écouté les sondages ? Car, il faut quand même le rappeler, il y a des gens qui se battent depuis des mois, jusqu’à l’épuisement souvent. Mais ils ne se battent pas pour eux, pour un poste ou un mandat ; ils se battent pour un monde meilleur, un monde pour les plus pauvres, un monde pour les déshérités, pour les oubliés… Mais si les oubliés oublient d’aller voter, alors à quoi bon ?

Nous allons en prendre pour cinq ans, c’est maintenant une quasi-certitude. Mais nous pouvons limiter les dégâts, tenter d’empêcher le gouvernement d’agir par ordonnances, anticiper et mener les luttes qui arrivent, assoir notre mouvement dans l’avenir, préparer les prochaines échéances, se tenir prêt à gagner.

Alors, chers abstentionnistes du premier tour, et abstentionnistes potentiels du second, allez-votez, sortez de chez-vous, faites le maximum, limitons les dégâts
Pour un monde plus juste, plus respectueux de l’environnement, plus humaniste.


Évidemment, je mets un bémol. Dans de nombreuses circonscriptions, le FN est opposé à REM. Or,  rappelons-le, aucune voix ne doit aller au Front National, ce parti qui non seulement est un leurre, mais qui puise se force dans nos rangs pour mieux les détruire. Chacun, en son âme et conscience, pourra décider de voter pour le candidat du président, voter blanc, déposer un bulletin nul dans l’urne, ou s'abstenir (ce qui serait alors une "abtention positive").

                                                                               J-Luc Menet, 17 juin 2017