Quel pitoyable spectacle que ce
débat d’entre deux tours d’hier soir…
Au point que, je l’avoue, j’ai
craqué avant la fin.
Une bagarre de cour de récré
entre une petite peste et le premier de la classe.
Une avalanche de « c’est çui
qui l’dit qu’il y est », des « c’est moi le meilleur ! » ou des « toi,
tu fais jamais rien ! ».
Des mensonges. Des insultes aussi,
ou quasiment.
Et personne dans la cour de l’école
pour arrêter les enfants, les faire rentrer dans le rang.
Pitoyable spectacle diffusé en
direct, et pas seulement en France.
Et depuis, des centaines, des
milliers de posts sur les réseaux
sociaux, ridiculisant l’un ou l’autre des candidats, certains devenant viraux.
Ne l’oublions pas, l’un de ces
deux-là sera président dans trois jours. Il représentera la France à l’étranger.
Un minimum de respect mutuel eût été de bon aloi.
Et par-delà l’image, les mots. De
la violence à l’état pur. Verbale bien sûr, mais de la violence quand-même.
D’un côté, la violence du mépris,
la hargne, la haine de l’autre, la mauvaise foi, un irrespect total.
De l’autre côté, la violence de cette
société qui nous est promise, la dureté du monde qui pourrait être le nôtre
bientôt, dès dimanche soir.
Qui oserait appeler cela un débat ?
À chaque élection présidentielle,
on nous ressort la petite phrase d’un tel qui, lors d’un débat précédent,
aurait fait basculer l’élection (ce que, d’ailleurs, je ne crois pas). Le « vous
n’avez pas le monopole du cœur », le « vous êtes l’homme du passif »,
le « les yeux dans les yeux, je vous le dis », le « bien
entendu, monsieur le premier ministre », le « il y a des colères très
saines » ou encore le célèbre « moi, président ». Chacune de ces
interventions était ciselée, savamment préparée, dispensée au bon moment.
En 2017, il y a eu tant de petites
phrases qu’on pourrait en faire un catalogue. Mais il n’était plus question de
ciseler. On a tranché dans le vif, on y est allé franco. Tous les coups étaient
permis. À la guerre comme à la guerre ! On se serait cru dans une émission
de télé-réalité.
Hier, nous n’avons pas eu notre
débat. Ce fut un combat. Mais pas un combat d’idées, juste un combat au corps à
corps.
Où donc est passé le débat
démocratique ?
Et ce qui nous arrive, l’avons-nous
mérité ? Les français l’ont-ils mérité ?
Au premier tour, il fallait faire
barrage au Front National, mais pas trop quand même, histoire qu’on soit
certain de le retrouver au second tour. C’était le rêve de chacun des
candidats, persuadé que face à Marine Le Pen, il gagnerait. Alors, tout fut bon
pour y parvenir. La bataille fut gagnée de justesse mais elle fut gagnée. Et
après ce barrage raté du premier tour (car si Marine Le Pen s’est qualifiée, c’est
bien que la stratégie du barrage a échoué), le même argument nous est resservi.
Avec un mot magique en prime, celui qu’on utilise inlassablement depuis vingt
ans, celui du front républicain.
Hier soir, j’aurais aimé qu’ait
lieu un autre débat. Un débat qui aurait opposé deux politiques, un débat qui
aurait mis l’humain au centre de la discussion, un débat qui aurait évoqué l’urgence
démocratique, un débat qui aurait évoqué les grands problèmes du monde et en
particulier les questions écologiques.
Après, les gens auraient choisi.
Et peut-être bien que ça n’aurait rien changé au final. Allez savoir…
Mais nous aurions pris de la
hauteur, nous aurions eu l’impression d’être plus intelligents, d’avoir compris
des choses, d’être écoutés, peut-être même d’être entendus.
Je ne sais pas pour vous, mais
moi, on m’a volé mon élection, on m’a volé mon second tour.
Mélenchon, hier, tu m’as manqué.
J-Luc Menet